Mis en veille le temps du confinement, le Brexit n’en reste pas moins d’actualité, notamment pour l’Île-de-France. Car si le travail de terrain, mené par les responsables franciliens depuis 2016 pour séduire les acteurs de la finance de la City, a porté ses fruits, il reste désormais à poursuivre la démarche sur les autres secteurs d’activité.
Par Fabienne Proux, journaliste au Journal du Grand Paris
Avec le Brexit, l’Île-de-France a accru sa politique d’attractivité, menant des actions en faveur de la relocalisation d’activités en provenance du Royaume-Uni mais aussi d’autres pays. Et ça marche. En 2019, la capitale française s’est hissée sur la 3e marche du podium, derrière Dublin et au coude-à-coude avec Luxembourg. De plus, c’est à Paris que l’an dernier le plus grand nombre d’entreprises en provenance du Royaume-Uni se sont installées (28 nouvelles contre 15 à Dublin et 11 à Luxembourg). Au total, les trois villes ont accueilli 69, 115 et 71 sociétés britanniques (source : New financial rethinking capital markets).
« Au moment des annonces sur le Brexit, certaines entreprises financières ont rapidement créé des structures au cas où elles perdraient leur passeport financier et se sont tout naturellement dirigées vers Dublin et Luxembourg », analyse un expert. Dans un deuxième temps, lorsqu’il y a eu une réflexion plus approfondie pour savoir où voulaient réellement s’installer les dirigeants, la réponse a été plutôt vers l’Île-de-France et surtout Paris du fait de la qualité de vie, des structures éducatives pour les enfants, de la possibilité de trouver un travail pour le conjoint ou encore de l’intense vie culturelle. « Les atouts de la place de Paris (lire ci-contre) ont entraîné une première dynamique d’implantation d’entreprises internationales en Île-de-France, Paris prenant le lead sur les autres capitales européennes », confirme Arnaud de Bresson, délégué général de Paris Europlace.
3 500 postes délocalisables à Paris
Toutefois, les relocalisations d’emplois à Paris devraient rester modestes par rapport au poids économique de l’Île-de-France. Knight Frank évaluait en mars 2020 que près de 1 500 emplois avaient été délocalisés de Londres à Paris. « Les mouvements potentiels représenteraient de 1 800 à 2 000 postes supplémentaires, soit environ 3 500 postes pour la totalité des gains d’emplois liés au Brexit », détaille David Bourla, directeur études et recherche chez Knight Frank France. Un chiffre susceptible d’être revu à la hausse dans les prochains mois, cependant « 69 % des mouvements recensés ne concernent pas plus d’une trentaine de collaborateurs et une dizaine seulement plus de 100 », précise Knight Frank France. De même, les impacts sur l’immobilier restent limités car parmi « les projets en mesure de créer le plus d’emplois, plusieurs sont le fait d’entreprises déjà présentes en Île-de-France et disposant de surfaces de bureaux assez vastes pour y loger de nouveaux salariés ».
Mais, alors que tout le travail sur le secteur financier est quasiment arrivé en fin de process, s’ouvre désormais une seconde ère, celle d’un Brexit plus large. « Après le Brexit financier, il y a le Brexit de l’industrie et de l’innovation », souligne Valérie Pécresse, qui place la réindustrialisation au cœur de sa stratégie d’attractivité, en matière d’industrie automobile ou médicale notamment. Pour Christian Streiff, « le Brexit présente l’avantage de remettre de la concurrence positive entre les métropoles et les différents pays européens ». Selon le président du conseil stratégique pour l’attractivité et l'emploi d’Île-de-France (CSAE), Londres ne fait plus partie des villes ciblées par les entreprises étrangères qui arbitrent désormais entre Paris, Berlin ou Milan.
L’hyper-centralisation : un atout pour l’Île-de-France
D’autant que des efforts notables ont déjà été réalisés pour rendre plus attractif l’environnement réglementaire et fiscal français, et que la création d’un guichet unique par l’ensemble des acteurs locaux a facilité l’accueil des porteurs de projet étrangers. Dès lors, « l’Île-de-France va pouvoir consolider une position de première région économique européenne, d’autant que la crise actuelle nous incite à privilégier la R&D et savoir comment maintenir et développer cette qualité de vie en Île-de-France », assure Christian Streiff, ajoutant que « si l’hyper-centralisation peut être parfois un inconvénient national, c’est un avantage pour l’attractivité, car l’Île-de-France concentre toutes les fonctions ».
Ainsi, la Région Capitale compte parmi celles où la concentration de R&D est la plus importante au monde, avec des fers de lance dans des domaines du numérique, de l’éducation, de l’automobile mais aussi de l’innovation financière avec l’association France FinTech et le pôle de compétitivité Finance innovation, sur lequel Paris Europlace est très active. Mais « il faut aller encore plus loin », invite Christian Streiff, « et faire avancer tous ces sujets et en particulier l’agriculture et la santé pour reprendre des positions face aux États-Unis et à l’Allemagne ».
« Le Grand Paris peut compter sur ses atouts structurels et les secteurs d’avenir »
Dans un contexte post-crise et de mise en œuvre complexe du Brexit, la place de Paris dispose, selon le délégué général de Paris Europlace Arnaud de Bresson, de sérieux avantages pour tirer profit du départ du Royaume-Uni de l’Union Européenne.
Propos recueillis par Fabienne Proux
En quoi le Brexit est-il un enjeu pour le Grand Paris ?
Permettez-moi de rappeler que la crise du coronavirus modifie complètement les perspectives économiques et de mode de vie de nos sociétés. D’ailleurs, concernant le Brexit, la perspective de voir le Royaume-Uni quitter l’Union Européenne nous paraît encore plus à contre-sens qu’avant la crise, dans un contexte où l’ampleur des problèmes à résoudre dans les prochains mois nécessite plus que jamais une coopération européenne et internationale renforcée. D’autant que la perspective d’un Brexit dur subsiste, dans un contexte où les négociations ne semblent pas produire de résultat. Cela dit, le Brexit reste un enjeu majeur pour le Grand Paris en matière de retombées économiques et d’emplois potentiels.
Quels sont les principaux atouts de la place de Paris dans la compétition européenne mais aussi mondiale ?
Les principales activités concernées sont celles de la banque de financement et la gestion d’actifs dans la perspective de la perte du passeport par le Royaume-Uni. Dans ces activités, il est important d’être près de la clientèle et donc de disposer d’entités sur le continent. Outre le fait qu’elle occupe une place privilégiée au milieu de l’Europe, entre Londres et Berlin, Paris est la seule autre capitale globale, à parité avec Londres, appuyée sur une économie de premier rang mondial. La Place de Paris présente de nombreux atouts : seule place financière « universelle » avec des activités très diversifiées ; bourse d’actions très active et paneuropéenne (Euronext) ; premier marché obligataire corporate d’Europe avec 35 % de part de marché des émissions ; première industrie de gestion d’actifs devant l’Allemagne et première activité de capital investissement (private equity) d’Europe continentale.
Ces atouts ont-ils aussi contribué à favoriser le développement à Paris de domaines d’avenir qui deviennent aujourd’hui d’actualité ?
La place de Paris occupe une position d’ores et déjà privilégiée dans plusieurs secteurs d’avenir, notamment post-crise. Au premier rang desquels figure la finance durable, tant environnementale que sociale. L’innovation financière et le développement des FinTech sont aussi l’une des forces de la place de Paris dans la compétition européenne et mondiale. Ce sont des domaines sur lesquels l’Europe doit mettre les bouchées doubles face à la concurrence des places asiatiques. Enfin, Paris peut se targuer d’avoir l’un des meilleurs écosystèmes du monde en matière de financement des grands projets d’infrastructures, avec la présence de grandes entreprises industrielles dans tous les domaines clés de l’énergie, du transport et de l’environnement.
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