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Photo du rédacteurActeurs du Grand Paris

Le Grand Paris de l’immobilier tertiaire après le Covid : le regard des experts

Après un séisme de l’ampleur du Covid-19 sur l’économie, et singulièrement l’économie immobilière, le prévisionnisme est une science encore plus complexe que d’habitude. Nous nous sommes tournés vers quelques grands acteurs du secteur, pour connaître, dans le domaine de l’immobilier d’entreprise, leur vision « de l’après » sur le marché de l’investissement comme celui de la location dans le Grand Paris de demain.


Par Pascal Bonnefille, directeur de la publication Immoweek et fondateur des Pierres d’Or

Pour l’équipe de Cushman & Wakefield, les « investisseurs restent motivés : 66 % des répondants (à l’enquête menée par Cushman & Wakefield, ndlr) sont toujours « actifs sur le marché et prêts à s’engager avec lettre d’intérêt pendant le confinement », deux tiers d’entre eux ayant des stratégies d’investissement inchangées « pour le moment ». En termes de type d’actifs, les perspectives paraissent « stables pour les bureaux, en hausse pour la logistique et résidentiel mais en baisse pour les commerces ».


D’où, logiquement, un « espoir de retour à la normale » pour le marché locatif : en 2020 pour la logistique, en 2021 pour le bureau et… en 2022 pour les commerces » et une évolution contrastée des valeurs locatives. Le conseil souligne « un consensus [qui] semble se dessiner pour une stabilité en logistique, une correction de -5 à -15 % pour les bureaux et une baisse supérieure à 15 % pour le commerce ». Dans ce contexte, on ne s’étonnera pas que les pros interrogés aient trois priorités : « 1/sécuriser le paiement des loyers et des charges ; 2/conserver le portefeuille de locataires ; 3/renégocier les baux en cours ».


Pour JLL, la recherche de sécurité devrait l’emporter. Ainsi, selon le conseil, « les acheteurs, surtout lorsqu’ils doivent jouer avec l’effet de levier, devraient se montrer plus sélectifs dans leurs choix d’investissement, en donnant la priorité aux actifs immobiliers jugés les moins spéculatifs. « Le Core d’abord » devrait ainsi être le slogan du marché, au moins dans l’immédiat, sachant que l’acception de la notion Core devrait se restreindre autour d’un petit nombre d’immeubles. Dans l’état d’esprit des acquéreurs, le Core tendra en effet à se limiter au segment ultra-Core ou Premium, défini par le triangle magique constitué par une localisation indiscutable, un locataire de grande qualité et un engagement locatif ferme de long terme. La demande restera forte en la matière, les actifs immobiliers éligibles apparaissant comme des opportunités exceptionnelles. C’est, par contre, l’offre qui risque de ne pas suivre, d’autant que les propriétaires de ces immeubles hésiteront sans doute à les mettre en vente par peur de se trouver confrontés à la difficulté de réinvestir.


« L’inévitable contraction » des marchés


Cette insuffisance de l’offre, alliée au maintien d’une forte demande, semble exclure une remontée des rendements pour le bureau Core. Il est même au contraire possible que le marché soit témoin d’une contraction supplémentaire des taux de rendement sur les quelques actifs Premium qui se présenteront à la vente. Cela ne traduira bien sûr que quelques situations spécifiques, loin d’être généralisables : les taux de rendement constatés au travers des transactions Core ne devraient globalement guère évoluer par rapport à ceux du premier trimestre 2020. Le taux Prime resterait ainsi proche de 3,0 % dans Paris QCA ».

En revanche, on ne peut que souligner « l’inévitable contraction » des marchés. Et le conseil d’insister : « Le principal changement sera à chercher du côté des volumes investis. La crise du Covid-19 se traduira d’abord et avant tout par la baisse d’activité, qui a toutes les chances d’être drastique. Faute d’opportunités, les deals Core vont s’espacer. En dehors de ce segment, pour les actifs présentant un profil de risque plus important, une baisse de régime paraît également inévitable » avec « une baisse très significative des volumes investis en

France. (…) Il ne nous paraît pas fantaisiste, explique JLL, d’anticiper, pour l’année 2020, une contraction de près de 50 % par rapport au niveau observé en 2019 (40 milliards d’euros). »

Mais, il faut toujours relativiser… et le conseil voit dans cette (lourde !) contraction, « une nouvelle preuve de la force acquise par le marché français et de son changement de dimension au cours des dernières années ». Et de rappeler que « même amputée de moitié, la base du marché français serait en effet d’une vingtaine de milliards d’euros, soit un doublement par rapport à l’étiage observé lors de la précédente grande crise, à la suite de l’éclatement de la bulle des subprimes et de la faillite de Lehman Brothers. Ce serait donc tout sauf un retour à la case départ et cela constituerait une belle base pour construire l’après ».


Chez BNP Paribas, on dresse un tableau du 1er trimestre locatif tertiaire, dans le Grand Paris, où, « avec 340 335 m² commercialisés, le 1er trimestre 2020 affiche une baisse de 37 % par rapport au T1 2019, bien en-deçà de sa moyenne décennale. Cependant, ces résultats ne sont pas entièrement liés à la crise sanitaire actuelle, le marché locatif francilien ayant déjà amorcé sa baisse en 2019. Toutes les surfaces sont touchées par ce repli, mais ce sont les grandes surfaces (supérieures à 5 000 m²) les plus impactées avec une baisse de 47 % ». Et de préciser que « le repli des transactions concerne tous les segments géographiques, à l’exception de la première Couronne Nord en légère augmentation et de Paris QCA. Ce dernier bénéficie en réalité de la signature du Boston Consulting Group sur l’immeuble Live pour 19 500 m². Cette opération lui permet de s’afficher stable sur un an et proche de sa moyenne décennale. Le Quartier Central des Affaires représente ainsi 28 % des transactions sur le trimestre, une part gonflée par la baisse du volume placé sur les autres secteurs. En effet, le Croissant Ouest, et les premières Couronnes Sud et Est subissent un fort repli des transactions, avec des baisses respectives de 51 %, 71 % et 89 % ».


Quid des perspectives ?


Pour BNP Paribas Real Estate, « devant l’ampleur de la crise sanitaire, [la] baisse de la demande placée devrait s’accélérer au prochain trimestre. Le mois de mars affiche d’ailleurs la plus forte baisse du trimestre (- 63 % par rapport à mars 2019), de nombreuses transactions ayant en effet été ajournées. Il est encore difficile de faire des prévisions à ce stade tant les incertitudes sur la durée et l’intensité de la crise sanitaire mais également sur ses répercussions sur l’économie sont nombreuses. Néanmoins, une reprise graduelle selon la typologie et la taille des utilisateurs devrait se produire une fois la levée du confinement actée.


À titre d’exemple, les PME/TPE, plus fragiles face à la crise, pourraient, en effet, reporter voire annuler leurs projets immobiliers. Le marché des grandes surfaces pourrait connaître une reprise plus rapide, avec toutefois un réajustement des priorités des entreprises. À court terme, la recherche d’économies, via notamment des consolidations de site, devrait essentiellement alimenter le volume des grandes demandes. En revanche, les fondamentaux seront toujours présents à moyen terme pour accompagner la reprise : un marché d’utilisateurs très diversifié, une transformation des usages toujours au cœur de la réflexion des entreprises, l’obsolescence de certains immeubles franciliens et, bien entendu, la poursuite de l’éclosion de nouveaux territoires tertiaires en relation avec le projet du Grand Paris Express ».


Bref, à travers ces études documentées, le marché tertiaire du Grand Paris apparaît comme lourdement impacté mais non point touché à mort. La reprise qui s’annonce va permettre, on se plaît à l’espérer, de saisir de nouvelles opportunités. Le recours renforcé au télétravail ne manquera pas, lui non plus, de créer des demandes nouvelles. Les « révolutions immobilières », notamment autour des usages, continuent. Et le Grand Paris, aussi, plus que jamais !


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